Etude des palatalisations mono-consonantiques mixtes

 

La présentation des palatalisations est réalisée en deux grandes parties, I. les palatalisations « mono-consonantiques » subdivisées en I.1. consonnes dures  et en I.2. consonnes mixtes (la présente leçon) et II. les palatalisations de groupes consonantiques, toutes deux subdivisées en plusieurs thèmes.

 

I.  Palatalisations mono-consonantiques

Ces palatalisations ont été l’objet de la présentation faite précédemment à l’adresse https://linguotheque.huma-num.fr/introduction-aux-palatalisations/ sur laquelle nous nous appuierons pour développer les différentes alternances que nous séparons suivant le type de consonne, dure ou mixte.

Dans toute la mesure du possible, nous présenterons ces palatalisations suivant le schéma : « mot non palatalisé – mot subissant la 1ère palatalisation – mot subissant la 2ème palatalisation » avec, à chaque point, les compléments d’information nécessaires.

 

 

I.2. Les consonnes mixtes

I.2.a. Les consonnes mixtes à variation

I.2.b. Les consonnes mixtes sans variation

 

Etude des palatalisations de groupes consonantiques

 

La présentation des palatalisations est réalisée en deux grandes parties, I. les palatalisations « mono-consonantiques » subdivisées en I.1. consonnes dures et en I.2. consonnes mixtes et II. les palatalisations de groupes consonantiques (la présente leçon), toutes deux subdivisées en plusieurs thèmes.

 

II. Palatalisations de groupes consonantiques

II.1. Palatalisations concernant les adjectifs durs

II.2. Palatalisations concernant les participes passés passifs

La gémination (écriture et prononciation)

 

Dans l’écriture, la gémination est le redoublement d’un caractère alphabétique (graphème). En tchèque, ce sont essentiellement des consonnes, le redoublement de voyelles ne pouvant avoir lieu que dans des emprunts.

 

I. La gémination dans les mots tchèques

Ce sont des phénomènes de morphologie flexionnelle et plus souvent de morphologie dérivationnelle qui provoquent les géminations. Le redoublement est rarement évité : cela peut arriver lors de compositions telles que « (ně)kolik-krát » qui s’écrit « (ně)kolikrát ».

L’adjectif construit sur le substantif féminin « cena » (prix) à l’aide de la terminaison adjectivale « ný » constituée du suffixe « n » et de la désinence de masculin nominatif singulier « ý » produit l’adjectif « cenný » (précieux) qui est prononcé [cený]. Cet exemple est le témoin de la non-prononciation du redoublement des consonnes dans l’immense majorité des cas. On pourra considérer d’autres exemples tels que :

        • de « kámen » (pierre), l’adjectif dérivé « kamenný » (de pierre, de marbre) est prononcé [kamený],
        • l’adjectif « měkký » (mou) est prononcé [měký],
        • le comparatif de l’adjectif « vysoký » est « vyšší » et est prononcé [vyší].
        • l’adjectif d’appartenance « babiččin » (déjà vu à l’adresse https://linguotheque.huma-num.fr/introduction-aux-palatalisations/) issu du substantif féminin « babička » (grand-mère) se prononce [babiččin].

On connaît quelques situations intermédiaires comme dans « rozzlobit se » (se mettre en colère) ou « oddech » (repos, détente) que l’on peut prononcer avec ou sans gémination.

 

Mais il y a trois situations où la gémination DOIT être impérativement prononcée :

1. Dans les suites « nej+j » et « půl+l » :

1.a. Superlatif d’un adjectif débutant par « j » précédé du préfixe de superlatif « nej » :

« nejjistější » (le plus sûr) de l’adjectif « jistý » (sûr) prononcé [nejjistější] pour éviter de le confondre avec la négation du comparatif, « nejjednodušší » (le plus simple) de « jednoduchý » (simple) prononcé [nejjednodušší], « nejjasnější » (le plus clair) de « jasný » (clair) prononcé [nejjasnější].

1.b. composition avec « půl » (moitié) et un mot débutant par « l » comme dans « půlletý » (qui a six mois) et « půllitr » (demi-litre, en particulier pour la bière) où la gémination doit être entendue.

2. Dans les impératifs à la première personne du pluriel (désinence en « me ») de verbes dont le radical se termine par « m », par exemple « uvědomme si to ! » (prenons conscience de cela) du verbe « uvědomit si », « oznamme jim to » (annonçons leur cela) du verbe « oznamit ».

3. A la rencontre de deux mots, la gémination se prononce pour des raisons d’intelligibilité :

« pan Novotný » (Monsieur Novotný), « dnes se nehraje » (relâche, mot-à-mot : aujourd’hui, on ne joue pas), « před domem » (devant la maison), « skrz zuby » (à travers les dents).

 

II. La gémination dans les mots étrangers (emprunts)

Lorsque le tchèque emprunte un mot étranger où se retrouve une lettre redoublée, il la réduit systématiquement à une seule occurrence, par exemple le mot « gemmule » devient en tchèque « gemule », « illustration » fait « ilustrace », « illusion » donne « iluze » ou « iluse »,…

Cette particularité a permis à Zdeněk Kirschner d’inventer un système de transcription automatique vers le tchèque d’emprunts à l’anglais dans des programmes de traduction automatique anglais – tchèque sans recourir à des dictionnaires.

Par contre, le redoublement des caractères demeurent dans le mot tchèque, lorsqu’il s’agit d’emprunts qui sont des noms propres. Ainsi, on trouvera le nom d’un quartier de Prague où se trouvent les studios de cinéma « Barrandov », dérivé du nom du paléontologue français Joachim Barrande. On trouvera aussi « Rooseveltova (ulice) » où la gémination concerne des voyelles.

Les réécritures de « ď », « ť », « ň »

 

L’écriture tchèque réordonne deux suites triples de consonnes dentales molles  « ď », « ť », « ň »:

        • la suite « ď + i/í », « ť + i/í », « ň + i/í »
        • la suite « ď + e », « ť + e », « ň + e »

1.

La suite « ď + i/í » se réécrit en « di » et « dí », la suite « ť + i/í » en « ti » et « tí » et la suite « ň + i/í » en « ni » et « ní ». Nous avons vu précédemment (https://linguotheque.huma-num.fr/la-suite-consonne-molle-voyelle-dure/ – Implications historiques b.) la transformation historique de la suite « consonne molle – u » en « consonne molle – i » qui fait que le mot « ľud » soit devenu « ľid » et finalement « lid ». Ce processus évolutif est marqué par une impossibilité de double mouillure qui libère le « l » de sa mouillure, le « i » étant déjà une unité de mouillure. C’est cette transformation qui a fait de « l » une consonne mixte. La réécriture des 3 dentales ci-dessus devant un « i » mou suit le même processus.

Ainsi, « zeď » (mur), substantif féminin, fait « zdi » au locatif singulier : « na zdi » (sur le mur), « báseň » (poésie), également féminin fait « v básni » (dans la poésie) et « trať » (voie ferrée), toujours féminin, fait « na trati » (sur la voie).

Il convient de remarquer que les suites « di », « ti », « ni » ne sont pas molles dans les mots étrangers.

 

2.

Les suites « ď + e », « ť + e », « ň + e » ont un comportement particulier qui va à l’inverse de ce que nous avons vu en https://linguotheque.huma-num.fr/la-suite-consonne-molle-voyelle-dure/ Implications historiques a.

Ici, la mouillure de la consonne dentale passe sur le « e » sous forme de háček. Nous aurons ainsi les transformations « ď + e » qui donne « dě », « ť + e » qui donne « tě » et « ň + e » qui donne « ně ».

Face à « muž » (homme) qui a le génitif et l’accusatif singulier en « muže », nous trouverons pour « hlemýžď » (escargot) un génitif et un accusatif singulier en « hlemýždě ». La nature mouillée de « ď », « ť », « ň » apparaît bien dans la flexion des substantifs neutres à augment (cf. https://linguotheque.huma-num.fr/modele-neutre-a-augment-kure/). Ainsi, « mládě » (petit d’un animal) fait en présence du « a » de l’augment du pluriel « at » « mláďata », « štěně » (chiot) fait « štěňata » et « kotě » (chaton) « koťata ».

Introduction aux palatalisations

 

Nous allons présenter les palatalisations suivant le tableau qui sera ensuite utilisé pour en exposer le détail.

En première ligne sont énumérées les consonnes dures (un tableau) ou les consonnes mixtes (deuxième tableau). On trouvera, à la verticale de chaque consonne dure ou mixte, les consonnes molles correspondantes pour chacune des palatalisations possibles : « mouillures faibles » en deuxième ligne du tableau, « mouillures fortes » en troisième ligne :

 

 

L’approche de la palatalisation que nous vous proposons n’est pas basée sur une connaissance diachronique, mais sur le fonctionnement synchronique.

Il est ainsi possible d’affecter à chacun des deux niveaux (2ème et 3ème lignes) des domaines morphologiques spécifiques qui devraient vous aider dans l’apprentissage et la manipulation des palatalisations.

 

1. La palatalisation de la deuxième ligne (« mouillure faible ») est afférente à:

1.a. la flexion nominale (déclinaison des substantifs et des adjectifs)

1.a.1.  flexion des substantifs

Par exemple pour les substantifs masculins durs animés la principale désinence du nominatif pluriel est le « i » (i mou bref) (on trouve également « ové »). Dans un mot tel que « kluk » (garçon), le « i » (i mou) transforme la consonne « k » dure en la consonne correspondante mouillée « c » :

 

 

La désinence « ě » du datif et du locatif singulier des substantifs féminins durs du modèle « žena » (femme) provoque la palatalisation de la consonne dure la précédant. Ainsi, dans le mot « holka » (petite fille) ci-dessous, le « ě » transforme la consonne « k » dure en la consonne correspondante mouillée « c », le « ě » devenant « e » en raison de l’interdiction de la double mouillure de « e » (Cf. https://linguotheque.huma-num.fr/a-propos-de-la-double-mouillure-de-e/):

 

 

1.a.2.  flexion des adjectifs

Les adjectifs durs prennent, dans la norme écrite (les formes parlées afférentes seront vues plus loin dans la grammaire : https://linguotheque.huma-num.fr/declinaison-longue-dure/), un « í » (i mou long) comme désinence du nominatif pluriel des masculins animés. La transformation de la consonne dure précédant la voyelle molle (« í ») se fera suivant la règle 3 énoncée précédemment.

 

 

Nous aurons donc la transformation de « hezký » à « hezcí » : 

« hezký kluk » (un joli garçon) deviendra au pluriel « hezcí kluci » (de jolis garçons).

 

1.b. la génération de l’adverbe à partir de l’adjectif

Le tchèque possède deux formes d’adverbes obtenues à partir de l’adjectif.

La première n’est autre que le neutre singulier de la forme courte de l’adjectif avec la désinence « o » (Cf. https://linguotheque.huma-num.fr/les-desinences-nominales/ et https://linguotheque.huma-num.fr/les-adverbes-vrais/).

La seconde se présente presque comme un cas supplémentaire de l’adjectif permettant d’obtenir un adverbe avec la désinence « ě ». Comme dans les exemples présentés ci-dessus, le « ě » provoque la palatalisation de « k » en « c », puis l’interdiction de la double mouillure produit « e » à la place de  « ě » :

 

 

2. La palatalisation de la troisième ligne (« mouillure forte ») est afférente à:

2.a. la flexion verbale (conjugaison)

Si nous prenons des verbes tels que « téci » (couler [pour un liquide]), la racine qui est visible au passé (« tekl ») et au gérondif (« teka », « tekouc », « tekouce ») est « TeK » et pour « péci » (cuire au four) nous aurons un passé en « pekl », un gérondif en « peka », « pekouc », « pekouce » et la racine en « PeK ».

Ces deux verbes auront des formes palatalisées à la 2ème et la 3ème personnes du singulier ainsi qu’à la première et deuxième personnes du pluriel, où le « k » devient « č » devant le « e » de la désinence (une raison supplémentaire de considérer le « e » comme voyelle « mixte »). Nous aurons ainsi :

 

Pour bien comprendre le phénomène, il convient de savoir, la racine étant « PeK » (ou « TeK »), que la première personne du singulier était originellement « peku », ce qui correspond au schéma stable « consonne dure – voyelle dure (« u ») », ce qui vaut également pour la troisième personne du pluriel « pekou » « consonne dure – voyelle dure (« o ») ».

Les autres formes sont concernées par l’application de la règle 3 qui transforme la suite « consonne dure (« k ») – voyelle molle (« e ») » en « consonne molle (« č ») – voyelle molle (« e ») ».

 

 

L’usage oral a créé les formes actuelles « peču » et « pečou » par analogie avec les formes centrales du schéma ci-dessus.  Une langue comme le haut-sorabe conserve toujours une forme « pjeku » pour la première personne du singulier et la troisième personne du pluriel à côté de « pječemy » (1ère personne du pluriel) et « pječemoj » (1ère personne du duel). Le bas-sorabe conserve également une forme en « pjaku ».

 

2.b. la dérivation

La présence d’une palatalisation lors de la formation d’un dérivé est un phénomène fréquent. La palatalisation « profonde » vaut en dérivation pour les consonnes gutturales (« g », « h », « ch », « k ») lors de la création de diminutifs ou d’adjectifs d’appartenance. Un bon exemple est donné par la formation d’un adjectif d’appartenance dont le possesseur est un féminin. Le suffixe permettant cette transformation d’un substantif féminin à un adjectif est « in », suffixe débutant par une voyelle molle qui transformera la dernière consonne du radical si celle-ci est dure.

L’adjectif d’appartenance formé sur le substantif « babička » (grand-mère) nous servira de référence :

 

 

En conclusion, nous pouvons récapituler ces connaissances à l’aide du tableau suivant qu’il est bon de retenir pour bien comprendre la morphologie tchèque :

 

 

La suite consonne molle – voyelle dure

 

Des deux règles avec changement énoncées précédemment (Cf. https://linguotheque.huma-num.fr/regles-de-transformation-des-suites-consonne-voyelle/) :

la règle 4 qui exprime la transformation de la suite « consonne molle – voyelle dure » est la plus simple et la plus limitée.

 

I.  Implications historiques

La règle 4 explique des transformations historiques intervenues dans la seconde période de l’évolution phonologique du tchèque (entre le 11ème et le 14ème siècle). Il s’agit de :

a.  la suite « consonne molle – a » qui devient « consonne molle – ě » (voir https://linguotheque.huma-num.fr/la-transformation-de-a-en-e/) (« ě » devenant par la suite « e », ce qui est expliqué à l’adresse https://linguotheque.huma-num.fr/a-propos-de-la-double-mouillure-de-e/) qui donne p. ex. en tchèque « duše » (âme) qui est « duša » dans les autres langues slaves

 et de :

b.  la suite « consonne molle – u » qui devient « consonne molle – i » qui explique qu’en tchèque « ľud» soit devenu « lid » (peuple) (voir https://linguotheque.huma-num.fr/la-transformation-de-u-en-i/).

 

II.  Implications actuelles

En tchèque actuel où la seule opposition de mouillure vocalique qui demeure est l’opposition entre « y / ý » et « i / í », cette règle 4 possède encore deux usages intéressants :

a.  Mémoriser cette règle sous la forme « consonne molle – y/ý devient consonne molle – i/í » permet d’éviter des fautes de flexion. Même s’il n’y avait pas de modèles particuliers pour la déclinaison des substantifs mous (animés et inanimés), la production de la forme correcte de l’instrumental pluriel serait assurée par l’application de cette règle :

 

 

D’une manière générale, il convient d’assurer la correction de sa production écrite en vérifiant que derrière une consonne molle il n’y a pas un « y/ý » (« i » dur).

b.  Le non-respect de cette règle donne au mot concerné la valeur d’emprunt, l’application de cette règle étant obligatoire en tchèque.

Ainsi, nos programmes d’analyse automatique de la morphologie tchèque reconnaissent que le mot « cykl » est étranger grâce à la suite « c – y » (consonnemolle – y ») alors que la structure du mot « consonne  –  voyelle  –  k  –  l » peut être parfaitement tchèque.

Des verbes tels que « říci », « péci » ou « téci » produisent un passé masculin en :

                        ř  –  e  –  k  –  l

                        p  –  e  –  k  –  l

                        t  –  e  –  k  –  l

comme:

                        c  –  y  –  k  –  l

Règles de transformation des suites consonne – voyelle

 

Ayant présenté l’inventaire des consonnes (https://linguotheque.huma-num.fr/consonnes-dures-molles-et-mixtes/) et des voyelles (https://linguotheque.huma-num.fr/voyelles-dures-molles-et-par-analogie-mixtes/), dures et molles, il est désormais possible d’aborder les suites « consonne – voyelle » et leurs éventuelles transformations.

Il est nécessaire d’insister sur le fait que seul l’ordre « consonne – voyelle » est considéré et pertinent, l’ordre inverse « voyelle – consonne » étant une succession stable.

Il convient de savoir que ces suites doivent être « à l’unisson » en termes de dureté, toutes deux dures ou toutes deux molles. Dans le tableau ci-dessous, la règle 1 réfère à deux dures, la règle 2 à deux molles.

En second lieu, les suites dissemblables se transforment toujours en une suite molle. C’est donc l’élément dur qui est transformé dans son correspondant mou, que ce soit la consonne qui est palatalisée (règle 3) ou la voyelle (règle 4). Dans ce dernier cas, en tchèque contemporain, la transformation ne s’exerce que pour « y » ou « ý » qui devient « i » ou « í ». Les transformations de « a » vers « ě » (Cf. https://linguotheque.huma-num.fr/la-transformation-de-a-en-e/) et de « u » vers « i » (https://linguotheque.huma-num.fr/la-transformation-de-u-en-i/) sont historiques.

Voici un tableau récapitulatif auquel nous nous référerons par la suite :

 

 

Nous étudierons d’abord la règle 4 dont l’application est limitée avant d’aborder le vaste chapitre des palatalisations (règle 3).

 

WordPress et site Linguothèque hébergé par Huma-num © 2019