Etude des palatalisations mono-consonantiques dures

 

La présentation des palatalisations est réalisée en deux grandes parties, I. les palatalisations « mono-consonantiques » subdivisées en I.1. consonnes dures (la présente leçon) et en I.2. consonnes mixtes et II. les palatalisations de groupes consonantiques, toutes deux subdivisées en plusieurs thèmes.

 

I.  Palatalisations mono-consonantiques

Ces palatalisations ont été l’objet de la présentation faite précédemment à l’adresse https://linguotheque.huma-num.fr/introduction-aux-palatalisations/ sur laquelle nous nous appuierons pour développer les différentes alternances que nous séparons suivant le type de consonne, dure ou mixte.

Dans toute la mesure du possible, nous présenterons ces palatalisations suivant le schéma : « mot non palatalisé – mot subissant la 1ère palatalisation – mot subissant la 2ème palatalisation » avec, à chaque point, les compléments d’information nécessaires.

 

I.1. Les consonnes dures

I.1.a. Les consonnes gutturales

I.1.a.1. L’alternance k-c-č

Nous prendrons comme référence le tableau ci-dessous pour présenter et expliquer les palatalisations correspondantes.

 

 

1ère palatalisation :

Flexion de substantifs

Le substantif féminin dur « ruka » (main) produira au singulier un datif et un locatif, au pluriel (anciennes formes de duel) un nominatif, un accusatif et un vocatif en « ruce ».

De même, le substantif féminin dur « holka » (petite fille) fera au datif et au locatif du singulier « holce » ainsi que « babička » (grand-mère) qui fera « babičce » et « Aněžka » (Agnès) qui fera « Aněžce ».

Le substantif masculin dur animé « kluk » (garçon) donnera « kluci » au nominatif pluriel, « pták » (oiseau) donnera « ptáci » et « drak » (dragon) fera « draci ».

Le substantif masculin inanimé « rok » (année) a une forme « (v) roce » (dans l’année) à côté d’une forme plus courante « roku ».

Flexion d’adjectifs

Les adjectifs durs, c’est-à-dire terminés par la désinence « ý » au nominatif singulier masculin, forment le nominatif pluriel associé à un substantif masculin animé avec la désinence molle « í » qui va entraîner une palatalisation du premier niveau, par exemple « hezký » (joli, beau) fait « hezcí » au nominatif et au vocatif pluriel masculin animé : « hezcí páni » (de jolis messieurs).

Génération d’adverbes

La désinence « ě » provoque la palatalisation du « k » final du radical de l’adjectif comme pour « lehký » (léger) qui produit « lehce » (légèrement), « měkký » (mou) qui fait « měkce » (mollement, doucement), « hladký » (doux, lisse) qui donne « hladce » (doucement).

Le cas particulier des verbes à l’infinitif en –ci

Des verbes tels que « péci » (cuire au four) ou « téci » (couler) (qui, en tchèque parlé, peuvent être entendus en « péct » et « téct » par analogie avec les formes standard d’infinitif) sont issus respectivement d’une racine « PeK » et « TeK » que l’on retrouve dans les formes du passé « pekl » et « tekl ». Les formes originelles de ces infinitifs sont données en « pekti » et « tekti ». Dans le Missel de Kiev (Kyjevské listy), copie du 10ème siècle d’un manuscrit du 9ème, on trouve ce que l’on appelle un « moravisme » par rapport à la langue vieux slave telle qu’elle devait être parlée dans la zone de la Macédoine et de la Bulgarie actuelles, à savoir déjà la présence de « c » à la place de « kt ».

 

2ème palatalisation :

Dans la conjugaison

Originellement, le verbe « péci » avait une conjugaison régulière en « peku » (je fais cuire), « peče » (il fait cuire) dans la logique du système « consonne dure + voyelle dure » demeure « consonne dure + voyelle dure » (« k + u ») et « consonne dure + voyelle molle » donne « consonne molle + voyelle molle » (« k ⇨ č + e »). Il en va de même pour le verbe « téci » qui donnait les formes « teku » et « teče » (il coule). Les formes analogiques de 1ère personne du singulier « peču » et « teču » sont des formes relativement récentes erronées entrées dans la norme. Cela donne une nouvelle norme qui ne tient pas compte du système linguistique.

Face à ces formes personnelles, on trouve également des formes impersonnelles du verbe, notamment les participes. Un bon exemple est la formation à partir de la racine « PeK » du participe passé passif « pečen » qui lui-même permet la formation de l’adjectif dur issu du participe « pečený » (cuit) et du substantif verbal « pečení » (cuisson).

Dans la dérivation

Si nous reprenons les exemples introduits dans la partie précédente (1ère palatalisation), nous obtiendrons des formes dérivées marquées par la 2ème palatalisation. Nous avons vu dans la leçon précédente que le mot « babička » possède un adjectif d’appartenance en « babiččin » par transformation de « k » en « č ». Nous trouverons de la même manière « Aněžka » (Agnès) qui aura un adjectif d’appartenance en « Aněžčin ».

La formation d’un autre genre, par exemple la formation du féminin sur la base du substantif masculin correspondant est souvent concernée par cette 2ème palatalisation. Ainsi, le substantif masculin animé « drak » (dragon) a pour femelle « dračice ».

La formation des diminutifs est souvent marquée par une 2ème palatalisation, par exemple le substantif masculin animé « kluk » (garçon) peut donner « klučík » (petit garçon), le substantif « pták » donne « ptáček » (petit oiseau) à côté du substantif neutre appartenant au modèle des petits d’animaux « ptáče » (oisillon). On trouvera également l’adjectif relatif aux animaux « ptačí » (d’oiseau).

Du substantif féminin dur « ruka » (main), on trouvera le diminutif « ručička », mais aussi un adjectif dérivé comme « ruční » (manuel, à main). De même, le substantif masculin inanimé « rok » (année) produit un adjectif dérivé « roční » (annuel). Ces deux palatalisations peuvent sembler surprenantes. Elles sont expliquées par la présence originelle devant le suffixe et la désinence d’un jer mou de rang impair qui a disparu, mais qui a produit la palatalisation (Voir : https://linguotheque.huma-num.fr/disparition-et-vocalisation-des-jers/). On trouvera ainsi le diminutif premier de « ruka » en « ručka » qui permettra ensuite la dérivation de « ručička ».

Notons également la réalisation de l’adjectif mou « holčičí » (de petite fille) à partir du substantif « holka ».

Parmi les phénomènes de dérivation, on remarque également la création de verbes à partir d’une autre catégorie lexicale. Nous donnerons ici l’exemple de « skok » (saut), substantif masculin inanimé, qui est la racine du verbe « skočit » (sauter) par transformation du « k » en « č ».

Au titre de la 2ème palatalisation, il convient de présenter la formation du comparatif (et du superlatif) des adverbes. Ainsi, « lehce » (légèrement) a la forme de comparatif « lehčeji » (plus légèrement), « hladce » a le comparatif en « hladčeji » et « měkce » en « měkčeji ». Les terminaisons « eji » sont entendues dans la langue parlée en « ejc ».

De la même manière, on trouvera le comparatif et le superlatif de l’adjectif « hezký » en respectivement « hezčí » et « nejhezčí ».

 

Récapitulation des exemples :

        • « tekl » – « téci » – « teče »
        • « pekl » – « péci » – « peče » / « pečen »
        • « babička » – « babičce » – « babiččin »
        • « Aněžka » – « Aněžce » – « Aněžčin »
        • « ruka » – « ruce » – « ruční » / « ručka » – « ručička »
        • « rok » – « roce » – « roční »
        • « drak » – « draci » – « dračice»
        • « kluk » – « kluci » – « klučík »
        • « pták » – « ptáci » – « ptáček » / « ptáče » / « ptačí »
        • « holka » – « holce » – « holčička » / « holčičí »
        • « hezký » – « hezcí » – « hezčí »
        • « skok » – « — » – « skočit »
        • « lehký » – « lehce » – « lehčeji »
        • « hladký » – « hladce » – « hladčeji »
        • « měkký » – « měkce » – « měkčeji »

 

I.1.a.2. L’alternance h/g-z-ž

Ce n’est pas un hasard si l’entrée de cette alternance est double en « h » et « g ». En effet, le « g » en tchèque, mais aussi en slovaque et en haut-sorabe, s’est transformé en « h » (cf. grammaire historique : https://linguotheque.huma-num.fr/passage-de-g-a-h/). Un « g » dans un texte tchèque est un critère de reconnaissance d’un terme étranger. En ce qui concerne les palatalisations, leur fonctionnement est demeuré identique.

Nous allons examiner cette seconde série d’alternances, seconde colonne du tableau ci-dessous, suivant les mêmes critères que pour « k – c – č ».

 

 

1ère palatalisation :

Flexion de substantifs

Les substantifs féminins durs terminés par un radical en „h“, c’est-à-dire avec une terminaison « -ha » subissent la 1ère palatalisation pour le datif et le locatif singulier. Ainsi, « noha » (pied, jambe) fait « noze » au datif et locatif singulier, par exemple « na noze » (sur la jambe, sur le pied). Il en sera de même pour « váha » (poids, bascule) qui fait « váze » au datif et au locatif, pour « snaha » (tentative, effort) qui fait « snaze » ou « obloha » (voûte céleste ; garniture) qui fait « obloze ».

Avec des substantifs terminés en « -ga », nous trouverons des exemples tels que « liga » (ligue, division) qui a un datif et un locatif singulier en « lize » ou le prénom d’origine russe « Olga » qui fait « Olze ».

L’une des formes possibles de nominatif pluriel du substantif masculin animé « koželuh » (tanneur) est « koželuzi ». Le nominatif pluriel du substantif masculin dur animé « soudruh » (camarade de parti) est « soudruzi », celui de « dobrodruh » (aventurier) est « dobrodruzi », celui de « vrah » (assassin) est « vrazi ». L’ensemble de ces substantifs possède une désinence alternative en « -ové », par contre « pstruh » (truite) ne possède que la forme unique « pstruzi ».

Flexion d’adjectifs

Les adjectifs durs terminés par la désinence « ý » au nominatif singulier masculin, forment au pluriel le nominatif et le vocatif associés à un substantif masculin animé avec la désinence molle « í » qui va entraîner la palatalisation. Ainsi, « drahý » (cher) prendra la forme « drazí », par exemple « drazí přátelé » (chers amis). L’adjectif « strohý » (austère) donne la forme «  strozí », p. ex. «  strozí starci » (des vieillards austères) et l’adjectif « ubohý » (misérable) fait « ubozí », p. ex. « ubozí mladíci » (des jeunes gens misérables).

Génération d’adverbes

Les adjectifs présentés ci-dessus peuvent engendrer des adverbes. A partir de l’adjectif « drahý » (cher), il est possible de générer l’adverbe « draze » (chèrement), à partir de « strohý » (austère) l’adverbe « stroze » (de manière austère, sèchement) et à partir de « ubohý » (misérable) on obtient l’adverbe « uboze » (misérablement).

 

2ème palatalisation :

Dans la conjugaison

Le verbe « táhnout » (tirer) a un participe passé passif en « tažen »  ainsi que l’adjectif dur correspondant « tažený » ((é)tiré) et le substantif verbal « tažení » (campagne, expédition). De même, « střihnout » (couper avec des ciseaux) a un participe passé passif en « střižen », l’adjectif dur qui en découle « střižený » (coupé, découpé) et le substantif verbal « střižení » (coupe, découpe).

A partir de « trhnout » (tirer, déchirer), nous trouvons les formes impersonnelles classiques du participe passé passif « tržen », de l’adjectif dur qui en découle « tržený » et du substantif verbal « tržení » à côté de formes parlées qui ont tendance à entrer dans la norme, respectivement « trhnut », « trhnutý » et « trhnutí ».

Dans la dérivation

Nous classerons déjà dans la dérivation l’obtention de l’autre aspect. Un exemple possible est le verbe « smahnout » (frire), rare, qui donne l’imperfectif « smažit », lui bien connu. Cet imperfectif génère normalement le participe passé passif « smažen », l’adjectif correspondant « smažený » (frit, pané), par exemple « smažený sýr » (fromage pané), « smažený řízek » (escalope panée) et le substantif verbal « smažení » (friture).

Nous nous efforcerons ensuite de présenter ici et dans les séries suivantes un certain nombre d’exemples ordonnés de la même manière que dans la série « k-c-č ».

Nous débuterons donc par la présentation de la formation de l’adjectif d’appartenance lié à un possesseur féminin : à partir du substantif féminin « Olga », on obtient l’adjectif « Olžin » (qui appartient à Olga).

De « koželuh » (tanneur), on obtient le féminin correspondant avec une 2ème palatalisation « koželužka ». De même, « biolog » donnera « bioložka », « soudruh » fera « soudružka », « dobrodruh » « dobrodružka » et avec un type différent de suffixation « vrah » aura un féminin en « vražedkyně ».

Nous rencontrerons pléthore de diminutifs, par exemple pour des masculins « kruh » (cercle) a pour diminutif « kroužek » (petit cercle, petit anneau), « sníh » (neige) peut avoir « snížek » comme diminutif et même « pstruh » (truite) peut avoir un diminutif en « pstroužek » (petite truite).

Pour les féminins, nous pouvons reprendre l’exemple de « noha » (pied, jambe) qui possède le diminutif « nožička », mais aussi « nožka » dans l’ordre « noha » – « nožka » – « nožička ».

On peut rencontrer des dérivations nominales autres que des diminutifs, par exemple de « koželuh » (tanneur) il est possible de créer le substantif féminin « koželužna » (tannerie).

De « jih » (sud), on peut créer l’adjectif dérivé correspondant « jižní » (du Sud, méridional, tropical), de « průběh » (déroulement) on peut dériver l’adjectif « průběžný » (continu) et l’adverbe « průběžně » (en continu).

Le dérivé peut être aussi un verbe comme « běžet » (courir) obtenu à partir de « běh » (course), « vážit » (peser) à partir de « váha » (poids, bascule), « snažit se » (s’efforcer de) à partir de « snaha » (effort).

Enfin, les comparatifs et superlatifs des adverbes se feront à l’aide de la 2ème palatalisation, par exemple « stroze » (de manière austère) donnera « strožeji » au comparatif et « uboze » (misérablement) fera « ubožeji ». L’adverbe « draze » (chèrement) a un comparatif en « dráže ».

Notons que les comparatifs et superlatifs des adjectifs fonctionnent de manière analogue : « drahý » (cher) donne « dražší », « strohý » (austère) donne « strožejší » et « ubohý » (misérable) « ubožejší ».

  

Récapitulation des exemples :

        • « noha » – « noze » – « nožní » / « nožka » – « nožička »
        • « váha » – « váze » – « vážit »
        • « snaha » – « snaze » – « snažit se »
        • « obloha » – « obloze » – « obložit » (afférent à ‘obloha’ dans le sens de garniture : garnir)
        • « liga » – « lize » – « — »
        • « Olga » – « Olze » – « Olžin »
        • « koželuh » – « koželuzi » – « koželužka » / « koželužna »
        • « soudruh » – « soudruzi » – « soudružka »
        • « dobrodruh » – « dobrodruzi » – « dobrodružka » / « dobrodružný »
        • « vrah » – « vrazi » – « vražedkyně » / « vražedný »
        • « pstruh » – « pstruzi » – « pstroužek »
        • « drahý » – « draze » – « dráže » / « dražší »
        • « strohý » – « stroze » – « strožeji » / « strožejší »
        • « ubohý » – « uboze » – « ubožeji » / « ubožejší »
        • « táhnout » – « — » – « tažen »  / « tažený » / « tažení »
        • « střihnout » – « — » – « střižen » / « střižený » / « střižení »
        • « trhnout » – « — » – « tržen » / « tržený » / « tržení »
        • « smahnout » – « — » – « smažit » / « smažen » / « smažený » / « smažení »
        • « biolog » – « o biolozích » – « bioložka »
        • « kruh » – « o kruzích » – « kroužek »
        • « sníh » – « o snězích » – « snížek »
        • « jih » – « (o jizích) » – « jižní »
        • « průběh » – « o průbězích » – « průběžný » / « průběžně »
        • « běh » – « o bězích  » – « běžet » / « běžný » / « běžně »

 

I.1.a.3. L’alternance ch-š-š

Nous allons examiner cette troisième série d’alternances, la dernière pour les palatalisations des gutturales, présentée en troisième colonne du tableau ci-dessous, suivant les mêmes critères que pour « k – c – č » et pour « g/h – z – ž ».

 

 

 

1ère palatalisation :

Flexion de substantifs

Les substantifs féminins durs dont le radical se termine par « ch » devant la désinence « a » subissent la 1ère palatalisation au datif et au locatif singulier. Ainsi, « valcha » (la planche à laver) prend-elle la forme « valše » pour ces deux cas. Il en va de même pour « snacha » (bru) qui donne « snaše », « ropucha » (crapaud) qui fait « ropuše », « sprcha » (douche) qui fait « sprše », « mrcha » (salaud, garce) qui fait « mrše »…

Le masculin offre des exemples en nombre nettement plus conséquent. Un substantif masculin dur animé tels que « hoch » (jeune homme) possède un nominatif pluriel « hoši » et un locatif pluriel « o hoších ». Le substantif « hroch » (hippopotame) fat de même respectivement « hroši » et « o hroších ». Dans bon nombre de mots, la terminaison « och » est en fait un suffixe : « divoch » (homme sauvage) qui vient de « divý » (sauvage, avide), mais que l’on associera aussi à « divoký » et qui donnera le nominatif pluriel « divoši » ainsi que le locatif pluriel « o divoších », « lenoch » (paresseux) dérivé de « líný » donne les formes « lenoši » et « o lenoších », « tlusťoch » (homme gros, obèse) dérivé de « tlustý » (gros, gras) fait respectivement « tlusťoši » et « o tlusťoších » et « černoch » (homme noir) de « černý » (noir) donne « černoši » et « o černoších ».

Le substantif neutre dur « ucho » (oreille) a pour pluriel les anciennes formes de duel qui sont toutes palatalisées : nominatif « uši », génitif « uší », datif « uším », accusatif « uši », vocatif « uši », locatif « o uších » et instrumental « ušima ». Lorsque « ucho » désigne par analogie l’anse d’un objet, le pluriel est celui du modèle « město » (ville) et donc sans palatalisation.

Flexion d’adjectifs

Lorsqu’ils sont liés à un substantif masculin animé  au nominatif ou au vocatif pluriel, les adjectifs durs vont subir la palatalisation de la consonne finale « ch » devant la voyelle molle « í ». Nous trouverons ainsi « tichý » (silencieux, tranquille) : « tiší », « suchý » (sec) : « suší », « jednoduchý » (simple) : « jednoduší ».

Génération d’adverbes

La 1ère palatalisation joue également dans la fabrication de l’adverbe sur la base de l’adjectif : « suchý » (sec) génère l’adverbe « suše » (sèchement) dans des phrases telles que « odpověděl suše » (il répondit sèchement), « jednoduchý » (simple) donne « jednoduše » (simplement), « tichý » (silencieux, tranquille) fait « tiše » (silencieusement).

 

2ème palatalisation :

En tchèque actuel, les deux types de palatalisation de « ch » ne se distinguent plus provoquant une transformation en « š » dans les deux cas. C’est pourquoi nous nous réfèrerons aux deux séries précédentes (« k-c-č » et « h/g-z-ž ») pour déterminer les catégories lexicales concernées par la 2ème palatalisation.

Dans la conjugaison

Le verbe « nadchnout » (enthousiasmer) fait au participe passé passif « nadšen » (enthousiasmé) qui dérive lui-même l’adjectif « nadšený » (enthousiasmé) et le substantif verbal « nadšení » (enthousiasme) correspondants. Les formes ci-dessus sont courantes et bien ancrées dans l’usage. Par contre, pour ces verbes en « -chnout », l’usage parlé avec la transformation en « -nut », « -nutý » et « nutí » est pratiquement exclusif. Vous rencontrerez de rares « rescapés » comme « utišen » du verbe « utichnout » (devenir silencieux) ou de « ohluchnout » (devenir sourd) le participe passé passif en « ohlušen » dans la traduction d’un film américain de 1990, « Def by Temptation » dans l’original qui donne en tchèque « ohlušen vzrušením » que je traduirais volontiers par « assourdi de stupeur ».

Dans la dérivation

Les féminins formés par la suffixation en « -ka » sur la base du masculin correspondant subissent la 2ème palatalisation, par exemple « černoška » (femme noire) d’après « černoch », « divoška » (femme sauvage) d’après « divoch », « tlusťoška » (femme grosse, obèse) de « tlusťoch ». En ce qui concerne « lenoch » (paresseux [substantif masculin dur animé]), son correspondant féminin « lenoška » (femme paresseuse) est peu utilisé, car supplanté dans l’usage par « lenoška » (canapé, bergère) issu d’un « lenoch » (accoudoir) qui est un masculin dur inanimé.

Les diminutifs sont également concernés. Ainsi, « mrcha » (salaud, garce) produit « mrška », « ropucha » (crapaud) donne « ropuška », « hoch » (jeune homme) aura « hošík » comme diminutif. Les termes avec un suffixe en « -och » peuvent avoir un diminutif en « -ošek » comme « lenoch » (paresseux) – « lenošek », mais ils ont le plus souvent un diminutif en « -oušek » : « lenoušek ». Ainsi, « tlusťoch » fait « tlusťoušek » et « černoch » fait « černoušek ». Dans ce dernier cas, il convient de signaler la forme « černouš » à côté de « černoch ». Pour « ucho » (oreille) existe le diminutif « ušičko ».

On note également des dérivations nominales autres que des diminutifs telles que « mršina » (charogne) à partir de « mrcha ».

De « ucho » (œil), on peut créer l’adjectif dérivé correspondant « ušní » (de l’oreille, auriculaire). De « hroch » (hippopotame), on peut créer l’adjectif relatif aux animaux qui est, de facto, l’adjectif d’appartenance avant l’apparition de l’adjectif aux suffixations en « -ův- » ou « -in- », à savoir l’adjectif « hroší » (d’hippopotame), par exemple « má hroší kůži » (rien ne l’atteint [m.à.m.: il a une peau d’hippopotame]). L’adjectif lié à « ropucha » est « ropuší » (de crapaud), par exemple « ropuší vajíčka » (des œufs de crapaud).

Le dérivé peut être aussi un verbe comme « sušit » (sécher) obtenu à partir de « suchý » (sec) par exemple « sušit prádlo » (sécher le linge), « tišit » (rendre silencieux) obtenu à partir de « tichý » (silencieux), par exemple « tišit hlas » (baisser la voix) ou, avec une préfixation, « zjednodušit » (simplifier) sur la base de « jednoduchý ».

Enfin, les comparatifs et superlatifs des adverbes se feront à l’aide de la 2ème palatalisation, par exemple « tiše » (silencieusement) donnera « tišeji » au comparatif, « suše » (sèchement) fera « sušeji » et « jednoduše » fera « jednodušeji ».

Les comparatifs et superlatifs des adjectifs fonctionnent de manière analogue : « tichý » (silencieux) donne « tišší », « suchý » (sec) donne « sušší » et « jednoduchý » (simple) « jednodušší ».

 

Récapitulation des exemples :

        • « valcha » – « valše » – « — »
        • « snacha » – « snaše » – « — »
        • « ropucha » – « ropuše » – « ropuška » / « ropuší »
        • « sprcha » – « sprše » – « — »
        • « mrcha » – « mrše » – « mrška » / « mršina »
        • « hoch » – « hoši » / « o hoších » – « hošík »
        • « hroch » – « hroši » / « o hroších » – « hroší »
        • « divoch » – « divoši » / « o divoších » – « divoška »
        • « lenoch » – « lenoši » / « o lenoších » – « lenoška » / « lenošek » / « lenoušek »
        • « tlusťoch » – « tlusťoši » / « o tlusťoších » – « tlusťoška » / « tlusťoušek »
        • « černoch » – « černoši » / « o černoších » – « černoška » / « černoušek »
        • « ucho » – « uši » / « uší » / « uším » / « o uších » / « ušima » – « ušičko » / « ušní »
        • « tichý » – « tiší » / « tiše » – « tišit » / « tišeji » / « tišší »
        • « suchý » – « suší » / « suše » – « sušit » / « sušeji » / « sušší »
        • « jednoduchý » – « jednoduší » / « jednoduše » – « zjednodušit » / « jednodušeji » / « jednodušší »
        • « nadchnout » – « — » – « nadšen » / « nadšený » / « nadšení »
        • « utichnout » – « — » – « utišen »
        • « ohluchnout » – « — » – « ohlušen »

 

I.1.b. constrictive vibrante « r »

Nous examinerons ici les palatalisations subies par « r » (4ème colonne ci-dessous). La cellule de tableau correspondant à la 2ème palatalisation est en grisé, car dans les grammaires tchèques cette case est vide. La série d’alternances précédente « ch – š – š », qui possède la même transformation lors des deux palatalisations, affiche les deux résultats. Cela est motivé par une origine différente des deux « š ».

 

 

 

Nous partons d’une vision synchronique de ce phénomène et étudierons les différentes situations d’après les catégories lexicales en relation avec l’une ou l’autre palatalisation comme cela a pu être mis en relief dans les deux premières séries d’alternances « k – c – č » et « g/h – z – ž ».

Nous devons retrouver au titre de la 1ère palatalisation les alternances flexionnelles des substantifs durs, les alternances de flexion des substantifs masculins animés au nominatif et vocatif pluriel et la formation d’adverbes sur la base de l’adjectif.

En ce qui concerne la 2ème palatalisation, au niveau de la dérivation se présentent plusieurs phénomènes potentiels: des alternances aspectuelles, la formation d’adjectifs d’appartenance y compris les adjectifs se rapportant aux animaux, la génération du féminin sur la base du masculin, les diminutifs, les dérivés nominaux et verbaux, le comparatif et superlatif des adverbes et enfin ces deux mêmes degrés pour les adjectifs.

C’est en fonction de ces critères que nous pourrons définir l’une et l’autre palatalisation pour les potentielles alternances de « r ».

 

1ère palatalisation :

Flexion de substantifs

La 1ère palatalisation se rencontre dans la flexion des substantifs féminins durs au datif et au locatif du singulier. On trouvera par exemple « víra » (foi) qui fait « víře » au datif et au locatif singulier. De même, « škvíra » (fente) donne « škvíře » à ces deux cas, « míra » (mesure) fait « míře », « jiskra » (étincelle) fait « jiskře ». Ce fonctionnement reste, bien sûr, vrai avec des prénoms féminins qui sont des substantifs féminins durs tels que « Věra » qui donne « Věře », « Barbora » et sa variante « Bára » qui font respectivement « Barboře » et « Báře ».

Les substantifs masculins durs sont confrontés à la 1ère palatalisation au nominatif pluriel et au vocatif pluriel. Nous trouverons des noms d’animaux mâles, par exemple « kocour » (matou) qui fait « kocouři », « bobr » (castor) qui donne « bobři », « škvor » (forficule, perce-oreille) fait « škvoři »», « tygr » (tigre) fait « tygři » et « netopýr » (chauve-souris) « netopýři ». Nous trouverons également des êtres humanisés tels que « upír » (vampire) qui donne « upíři » ou des humains masculins tels que « Maďar » (Magyar, Hongrois) qui produit « Maďaři » au pluriel au nominatif et au vocatif, « doktor » (docteur, médecin) qui fait « doktoři » ou, plus romanesque, « mušketýr » (mousquetaire) qui fait « mušketýři ». Une mention particulière doit être faite pour « bratr » (frère) qui possède deux formes. La première est standard en « bratři » avec un « i bref », la seconde est avec un « i long » : « bratří » avec l’exemple célèbre des « bratří Čapkové » (les frères Čapek [Karel et Jozef]). Nous verrons plus loin dans la présente grammaire qu’il s’agit d’un collectif. Ces collectifs seront décrits à l’occasion de la découverte du modèle de déclinaison des substantifs neutres terminés en « í » et seront à consulter à l’adresse https://linguotheque.huma-num.fr/modele-neutre-mou-long-staveni/

Flexion d’adjectifs

Etant donnée la désinence en « í » (i mou long) du nominatif et du vocatif des masculins animés au pluriel, ces cas seront concernés par la 1ère palatalisation. Un adjectif comme « starý » (vieux) prendra la forme « staří » comme dans « staří mládenci » (des vieux garçons), pluriel de « starý mládenec » (vieux garçon). L’adjectif « bodrý » (débonnaire) fera au nominatif / vocatif pluriel « bodří », par exemple « bodří páni » (des messieurs débonnaires), l’adjectif « kyprý » (rondelet) fera « kypří », par exemple « kypří páprdové » (des pépères plantureux) et « bystrý » (vif, intelligent) donnera « bystří », par exemple « bystří mladíci » (des jeunes gens intelligents, à l’esprit vif).

Génération d’adverbes

Si nous reprenons les adjectifs durs cités précédemment, nous pourrons les transformer systématiquement en adverbes en appliquant la palatalisation, par exemple  « starý » fait « staře » (qui fait / paraît vieux), « bodrý » fait « bodře » (débonnairement), « kyprý » donne « kypře » (d’apparence potelée, rondouillarde) et « bystrý » « bystře » (de manière vive, rapide). Il y a pléthore d’exemples. Nous en prendrons seulement quelques-uns. L’adjectif « chrabrý » (brave) produit l’adverbe « chrabře » (bravement), « moudrý » (sage) l’adverbe « moudře » (sagement, intelligemment), « ponurý » (lugubre) l’adverbe « ponuře » (à l’aspect lugubre), « ostrý » (pointu, tranchant, virulent) donne « ostře » (de manière tranchante ou intensivement) comme dans la nouvelle de Bohumil Hrabal adaptée au cinéma par Jiří Menzel « ostře sledované vlaky » (trains étroitement surveillés).

 

2ème palatalisation :

Dans la conjugaison

Nous avons vu au titre de l’alternance « k-c-č » que les conjugaisons « peku », « pečeš », « peče » (cuire au four) et « teku », « tečeš », « teče » (couler) avaient par analogie formé des 1ères personnes en « peču » à la place de « peku » et en « teču » à la place de « teku ».

La racine indo-européenne « MR » (nous avons en français « MoRt » ou « MouRir » – « MoRior » en latin) donne en tchèque actuel le substantif féminin « smrt » (mort) et des verbes préverbés « umřít » et « zemřít » sur la base du verbe vieux-tchèque « mřít » (mourir). Le verbe actuel « umřít » possède « umřu » (1ère personne du singulier) face à « umře » (3ème personne du singulier), ce qui laisse percevoir une forme analogique « umřu » à la place de « umru » non palatalisé, ce qui met en relief la palatalisation de « r » devant le « e » des désinences.

Dans la dérivation

Des racines verbo-nominales telles que « « MR », « PR », « TR », « VR » feront apparaître des alternances entre aspects. Nous pouvons citer l’imperfectif « umírat » (mourir) opposé au perfectif palatalisé « umřít » l’imperfectif « opírat » (appuyer) opposé au perfectif palatalisé « opřít », l’imperfectif « utírat » (essuyer) face au perfectif palatalisé « utřít » et « otvírat » (ouvrir) est opposé à « otevřít ». Remarquons que les racines concernées génèrent des mots tels que « mor » (peste), « opěradlo » (accoudoir), « utěrka » (torchon) et « otvor » (ouverture).

Les prénoms féminins présentés plus haut forment naturellement l’adjectif d’appartenance qui leur est lié. Nous aurons ainsi « Věra » qui donne « Věřin », « Barbora » qui donne « Barbořin » et « Bára » qui fait « Bářin ».

Les adjectifs relatifs aux animaux sont abondants. Nous en donnerons quelques exemples : « bobr » (castor) forme l’adjectif « bobří » par exemple « bobří hráz » (barrage de castor), « tygr » (tigre) forme l’adjectif « tygří » par exemple « tygří mast » (le baume du tigre), « netopýr » (chauve-souris) l’adjectif « netopýří » par exemple « netopýří křídla » (des ailes de chauve-souris), « kocour » (matou) donne « kocouří » par exemple « kocouří knír » (une moustache de chat), « kocouří drápy » (des griffes de chat). Plus surprenant, bien que plus humain et beaucoup plus virtuel, « upír » (vampire) possède aussi ce type d’adjectif « upíří » par exemple « upíří hrobka » (tombeau de vampire), « upíří zuby » (des dents de vampire). Il convient de noter que cet adjectif relatif aux animaux est un ancien adjectif d’appartenance avant que ne se développe l’adjectif d’appartenance avec les suffixes « -ův- »  et « –in- » comme en témoignent les reliquats « Boží » (de Bůh Dieu) et « člověčí » (de člověk humain).

Les substantifs masculins terminés par « r » font des féminins par simple ajout d’un suffixe sans transformation de palatalisation, surtout les substantifs d’origine étrangère terminés par exemple en « or » ou « ér » qui fabriquent des féminins terminés en « orka » ou « érka ». Parmi les rares exemples de palatalisation, citons « tygr » (tigre) dont la femelle est « tygřice » (tigresse).

Toujours de « tygr », nous aurons les diminutifs « tygřík » et « tygříček », de « bratr » (frère) nous aurons « bratřík » et « bratříček ». De « bobr » (castor) découle le diminutif « bobřík ». Du substantif féminin « škvíra » (fente), on obtient un diminutif sans palatalisation « škvírečka » (ce qui montre bien la nature mixte de « e ») et un second avec palatalisation « škvířička », de « jiskra » (étincelle) nous avons le diminutif « jiskřička ».

Les substantifs dont le radical se termine par « r » peuvent générer des dérivés nominaux, substantifs ou adjectifs (qui dérivent eux-mêmes des mots de diverses catégories lexicales): « míra » (mesure) engendre « měřítko » (échelle, mesure), « měřidlo » (compteur), « měřič » (homme ou machine qui mesure), « měřický » (géodésique). A partir de « vichr » (grand vent) on obtient « vichřice » (tempête), de « kantor » (professeur) « kantořina » (le métier d’enseignant).

Les adjectifs dont le radical se termine également en « r » produisent des dérivés nominaux marqués par la palatalisation : « mokrý » (humide, mouillé) donne « mokřina » (marais), « bystrý » (rapide) donne « bystřina » (torrent) et « modrý » (bleu) produit « modřina » (bleu, ecchymose).

 

 

 

 

I.1.c. Les consonnes dentales