Dans l’écriture, la gémination est le redoublement d’un caractère alphabétique (graphème). En tchèque, ce sont essentiellement des consonnes, le redoublement de voyelles ne pouvant avoir lieu que dans des emprunts.
I. La gémination dans les mots tchèques
Ce sont des phénomènes de morphologie flexionnelle et plus souvent de morphologie dérivationnelle qui provoquent les géminations. Le redoublement est rarement évité : cela peut arriver lors de compositions telles que « (ně)kolik-krát » qui s’écrit « (ně)kolikrát ».
L’adjectif construit sur le substantif féminin « cena » (prix) à l’aide de la terminaison adjectivale « ný » constituée du suffixe « n » et de la désinence de masculin nominatif singulier « ý » produit l’adjectif « cenný » (précieux) qui est prononcé [cený]. Cet exemple est le témoin de la non-prononciation du redoublement des consonnes dans l’immense majorité des cas. On pourra considérer d’autres exemples tels que :
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- de « kámen » (pierre), l’adjectif dérivé « kamenný » (de pierre, de marbre) est prononcé [kamený],
- l’adjectif « měkký » (mou) est prononcé [měký],
- le comparatif de l’adjectif « vysoký » est « vyšší » et est prononcé [vyší].
- l’adjectif d’appartenance « babiččin » (déjà vu à l’adresse https://linguotheque.huma-num.fr/introduction-aux-palatalisations/) issu du substantif féminin « babička » (grand-mère) se prononce [babiččin].
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On connaît quelques situations intermédiaires comme dans « rozzlobit se » (se mettre en colère) ou « oddech » (repos, détente) que l’on peut prononcer avec ou sans gémination.
Mais il y a trois situations où la gémination DOIT être impérativement prononcée :
1. Dans les suites « nej+j » et « půl+l » :
1.a. Superlatif d’un adjectif débutant par « j » précédé du préfixe de superlatif « nej » :
« nejjistější » (le plus sûr) de l’adjectif « jistý » (sûr) prononcé [nejjistější] pour éviter de le confondre avec la négation du comparatif, « nejjednodušší » (le plus simple) de « jednoduchý » (simple) prononcé [nejjednodušší], « nejjasnější » (le plus clair) de « jasný » (clair) prononcé [nejjasnější].
1.b. composition avec « půl » (moitié) et un mot débutant par « l » comme dans « půlletý » (qui a six mois) et « půllitr » (demi-litre, en particulier pour la bière) où la gémination doit être entendue.
2. Dans les impératifs à la première personne du pluriel (désinence en « me ») de verbes dont le radical se termine par « m », par exemple « uvědomme si to ! » (prenons conscience de cela) du verbe « uvědomit si », « oznamme jim to » (annonçons leur cela) du verbe « oznamit ».
3. A la rencontre de deux mots, la gémination se prononce pour des raisons d’intelligibilité :
« pan Novotný » (Monsieur Novotný), « dnes se nehraje » (relâche, mot-à-mot : aujourd’hui, on ne joue pas), « před domem » (devant la maison), « skrz zuby » (à travers les dents).
II. La gémination dans les mots étrangers (emprunts)
Lorsque le tchèque emprunte un mot étranger où se retrouve une lettre redoublée, il la réduit systématiquement à une seule occurrence, par exemple le mot « gemmule » devient en tchèque « gemule », « illustration » fait « ilustrace », « illusion » donne « iluze » ou « iluse »,…
Cette particularité a permis à Zdeněk Kirschner d’inventer un système de transcription automatique vers le tchèque d’emprunts à l’anglais dans des programmes de traduction automatique anglais – tchèque sans recourir à des dictionnaires.
Par contre, le redoublement des caractères demeurent dans le mot tchèque, lorsqu’il s’agit d’emprunts qui sont des noms propres. Ainsi, on trouvera le nom d’un quartier de Prague où se trouvent les studios de cinéma « Barrandov », dérivé du nom du paléontologue français Joachim Barrande. On trouvera aussi « Rooseveltova (ulice) » où la gémination concerne des voyelles.