« Les sons de notre langue sont différents de ceux utilisés en Chine, si bien qu’il nous est impossible, à nous Coréens, d’utiliser les caractères chinois pour transcrire notre idiome … Devant ce regrettable état de choses, je me suis engagé récemment à créer un ensemble de vingt-huit lettres, afin de faciliter à tout un chacun l’apprentissage de l’écriture pour un usage quotidien. »
Sejong (1397 – 1450)
Quatrième roi de la dynastie Chosŏn de Corée
Des sons corrects pour l’instruction du peuple
traduit du coréen par Kim Jin Young et Jean-Paul Desgoutte1
Le coréen est une langue agglutinante, de la famille ouralo-altaïque2 et n’a donc rien de commun avec le chinois en ce qui concerne les structures de la langue. Il a cependant été écrit à l’aide des caractères chinois (ce que l’on nomme sino-coréen) jusqu’à la réforme du jeune roi Sejong dans la première moitié du XVème siècle 3. Avec l’aide de jeunes académiciens, et contre la tradition “lettrée” attachée à l’écriture chinoise, il impose un système de transcription phonologique, à la fois simple et efficace, qui permet un usage généralisé par la population coréenne.
Le système réalisé est un alphabet avec toutes les caractéristiques et avantages des systèmes formels que sont les alphabets, notamment en durée d’apprentissage de la lecture. Il aurait donc pu s’écrire de gauche à droite ou de droite à gauche de manière parfaitement linéaire. Cependant, les caractères chinois ont été conservés comme éléments de citation dans des textes coréens. Ils sont actuellement très peu utilisés, sauf pour lever l’ambiguïté de certains noms de famille coréens. La nécessaire compatibilité avec les caractères chinois est marquée par l’omniprésence de la syllabe coréenne réécrite au sein d’un carré. C’est certainement ce qui a forcé l’adoption par Unicode de l’inventaire des syllabes coréennes et non des seuls caractères alphabétiques réorganisés par un algorithme, dont on verra qu’il est très simple, comme cela a été fait pour l’arabe où l’on sait choisir la forme du caractère en fonction de sa position (initiale, médiane, finale ou isolée).
Notes:
1 dans « L’écriture du coréen. Genèse et avènement. La prunelle du dragon ». Textes réunis et présentés par Jean-Paul Desgoutte, Paris, L’Harmattan, 2000.
2 les langues finno-ougriennes (finnois, estonien, hongrois) et les langues turques sont des représentants prototypiques des langues agglutinantes.
3 le bohémisant que je suis ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec l’ouvrage de Jan Hus “de orthographia bohemica” qui instaure le système diacrité du tchèque également au début du XVème siècle (vraisemblablement en 1412).